« Les âmes basses ne comptent que sur la noblesse des autres. »
Né en 1300, Ariel, alors prénommé Julius, n’a pas eu le temps de connaître autre chose que la guerre. Cette guerre si chère à sa région d’origine : Konigreich.
Il a eu de la chance cependant : il est né dans les honneurs. Sa mère descendait de la famille toponyme. Une femme qui savait marier la douceur d’une mère à la dureté d’un leader. C’est exactement entre ces deux mondes qu’a grandit Julius. Il sera entouré de deux sœurs dont il est l’aîné. Une position de pouvoir qu’il savourera très tôt : petit prince dans son royaume, il fit très tôt savoir sa supériorité à ses petites sœurs qu’il assurait de sa protection contre des brimades et chamailleries dont il sortirait toujours vainqueur, tel le politicien que l’on voyait déjà en lui.
Son enfance, vous l’aurez compris, fut agréable malgré les dissensions politiques qui faisaient rage. on tenait les enfants à l’écart des massacres engendrés par les conflits au sein même de leur région. Pourtant en retrait des affaires familiales, les proches de Julius, et surtout sa mère, devaient accuser le coup des conflits : politiquement, financièrement et bien sûr, personnellement. En grandissant, Julius s’éveilla au monde, à ses faiblesses et à ses horreurs. Une clarté progressive face aux affaires du pays et de sa famille qui lui enleva trop tôt l’innocence qu’il chérissait. Encore garçon, il comprit que son royaume n’était qu’une utopie et que les choses du monde ne sont pas si faciles.
« La guerre arrivée, le diable agrandit son enfer. »
C’est entre ses 14 et 15 ans que Julius comprit l’impact véritable de la guerre : tous les livres d’histoire et les enseignements géopolitiques ne pouvaient être plus convaincants que la pénurie qui s’abattait sur Konigreich. Il contempla la famine, la détresse, les complots. Plus tard, dès ses 16 ans, il suivit le chemin qu’on lui avait choisi et qui, à l’époque, le remplissait de fierté : il rejoint les forces armées de son pays. En temps de guerre, les entraînements ne sont pas les mêmes qu’en temps de paix. On n’a pas les mêmes rapports aux amitiés, à la valeur de la vie, de la famille. Sa période d’aspirant le conditionna physiquement et psychologiquement : il comprit très vite qu’il n’aimait pas les armes à feu mais également qu’une verve accomplie lui vaudrait de ne plus avoir à s’en servir. Il avait toujours été du genre ambitieux mais s’il savait déjà le confort que lui apportait une richesse matérielle, il s’intéressait à présent à un pouvoir plus concret : celui qui lui permettrait de ne pas être jeté en pâture comme ses frères d’armes.
Il vécut ses années d’officier sans grands exploits militaire mais avec une poignée de main ferme qui lui permit de s’illustrer presque mieux que ses camarades. Il aiguisa son esprit stratège et ne recula pas devant un peu d’indiscipline pour faire entendre sa voix. C’était une manière pour lui d’espérer pouvoir s’échapper. Mais rien n’était aussi simple.
Quand il eut 18 ans, le massacre de la famille Lashkala le glaça d’effroi. Honnêtement, il n’avait que faire de cette famille mais il reporta instinctivement l’événement sur les Konigreich : qu’aurait-il fait si c’était à sa famille que l’on s’en était pris ? Le reste, peu lui importait mais qu’en était-il de sa mère, son père et ses soeurs ? Tout son dégoût refoulé pour les choses de la guerre lui revint en pleine figure face à la réalisation que peu importe son nom : il n’était rien, comme tout ceux qui faisaient front avec lui. Ces guerres, quelles que soient les raisons géopolitiques n’avaient aucun sens. Elles ne lui apportaient rien alors pourquoi devrait-il leur faire don de lui-même ? Une étincelle de rébellion venait de naître.
Cette flamme fut entretenue des années durant à coup de visions d’horreurs des tranchées, stratégies sacrificielles et complots injustement démantelés. La rage de Julius faisait écho à celle du peuple d’Alkar qui grondait de plus en plus. Le jeune homme, avant si correct envers les politiques et l’Histoire telle qu’enseignée par ses parents, se prit plusieurs fois à justifier les actes de terrorisme interne qu’il pouvait parfois aider à démanteler.
C’est finalement à 21 ans qu’il prit la décision de tourner le dos à tout ce qu’il avait connu quand, sur le front, il tua celui qu’il était à la faveur d’une manoeuvre risquée.
Il passa quelques mois dans l’ombre, sachant qu’il ne pouvait pas revenir sur ses pas de peur de voir la cour martiale. Il avait organisé, le jour-même de ses funérailles pour s’assurer de l’absence de ses proches, le cambriolage de son domicile pour trouver de quoi vivre encore quelques temps.
Quelques richesses entamées, la rencontre d’un passeur et surtout beaucoup de ses tours de passe-passe et Julius Leonhart disparaissait définitivement pour laisser la place à Ariel Faust.
« La peine a ses plaisirs, le péril a ses charmes. »
Depuis ce jour, Ariel a appris à survivre par lui-même. Sa faible fortune de départ s’est rapidement vue dilapider. Il arpenta pendant longtemps les villes d’Alkar, se frottant rapidement à la mafia Cerbèriathe et se forgeant une seconde vie. Celle-ci ne lui convenait pas mais son instinct de préservation avait repris le dessus. Il se découvrit une débrouillardise dans la malfaisance qu’il ne soupçonnait pas. Ses qualités sociales étaient les meilleures des alliées. Finalement, après quelques mois à se chercher un moyen de vivre par lui-même comme le clandestin qu’il était dans son propre pays, il trouva la solution à tous ses maux et l’accès à la fortune et au confort qui lui manquait : l’amour.
Ses petites escroqueries quotidiennes prirent fin quand il découvrit à quel point des hommes et des femmes en mal d’affection étaient prêts à débourser pour un peu d’amour. En grand prince qu’il est, il se décida à le leur donner, cet amour. Pour lui, ce n’était pas de la prostitution : ses proies ne savaient pas qu’elles nourrissaient l’avidité d’un inconnu qu’elles croyaient connaître. Il charme les plus faibles, devient celui qu’ils veulent avoir près d’eux et se blottit dans le confort qu’on lui offre. Il a même été fiancé quelques fois ! Puis avant que la flamme ne s'essouffle, il se trouve un nouvel amant au compte en banque gras. A son heure de gloire, une vieille dame qu’il avait presque épousée lui offrit la garçonnière de Vénéris dans laquelle il loge encore jusqu’à présent.
Depuis sa nouvelle vie de tourterelle dépendante, il a assisté avec joie au renversement du dernier gouvernement. La situation semblait se stabiliser alors que lui-même profitait du moindre moment de sa vie quand un nouvel assassinat ébranla encore plus le climat politique. Aujourd’hui, contre rien au monde il ne reprendrait les armes pour n’importe lequel de ces pays guerriers.